Publiée le 04.03.2024Mise à jour le 20.03.2024

Quelles structures juridiques pour porter des communs numériques ?

Cette fiche est tirée d'une publication réalisée par le cabinet inno³ pour le compte du Laboratoire Société Numérique de l'ANCT. Destinée à favoriser la structuration de communs numériques produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches. Retrouvez en bas de page l'intégralité de cette ressource directement sur le site du Labo SoNum, ainsi que les autres ressources de la boîte à outils des communs numériques.

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Structuration juridique des communs numériques : quels enjeux ?

La constitution d’une structure juridique autour d’un commun numérique présente plusieurs intérêts :

  • Consolider les règles de gouvernance du commun à l’égard des membres. Chacun aura ainsi une parfaite visibilité sur ses droits et obligations, ainsi que sur les rôles et compétences de chacun. Une structuration juridique devient ainsi particulièrement pertinente dès lors que la taille de la communauté ne permet plus d’assurer la gouvernance de façon directe, horizontale ;

  • Permettre à des tiers de rejoindre le commun ou y contribuer. La transparence du fonctionnement de la communauté, par l’adoption d’une forme juridique éprouvée et la publication des statuts, facilite l’adhésion au commun numérique et incite à la collaboration économique. C’est donc un facteur de sécurité juridique propice au développement du commun numérique ;

  • Autonomiser le commun en l’intégrant dans un cadre adapté à ses besoins en termes de financement et de ressources (notamment pour le développement d’une activité économique propre et/ou la sollicitation de subventions publiques). C’est donc un facteur de pérennité économique du commun numérique.

Participation de l’acteur public au commun numérique : les différentes structures existantes

Dans le cas particulier d’un commun initié ou rejoint par un ou plusieurs acteurs publics, la structuration juridique devient encore plus cruciale.D’abord, l’adoption d’une forme sociale et la rédaction de statuts adaptés va permettre de sécuriser le rôle de l’ensemble des acteurs au sein de la communauté. C’est une étape essentielle, car l’acteur public a besoin de cette sécurité pour s’engager et que, inversement, les autres acteurs peuvent souhaiter limiter la part dominante que pourrait prendre l’acteur public dans la gouvernance du projet (craignant que le volontarisme de l’acteur public, couplé à ses moyens humains et financiers, entraîne un leadership de fait sur la gouvernance du commun numérique).

De manière très opérationnelle, la structuration juridique, lorsqu’elle conduit à la création d’une personne morale, va permettre de distinguer le commun de l’acteur public, et d’ainsi sécuriser les demandes de subventions et la passation de marchés publics par le commun numérique.

S’il n’existe pas de structure juridique parfaite pour aider à la structuration d’un commun numérique, une observation des pratiques permet de dégager différentes formes sociales privilégiées par les acteurs des communs.

Ces structures peuvent être séparées en deux catégories : celles susceptibles de réaliser – de façon limitée – une activité économique pour ses membres (à but lucratif ou non) ; et les autres.

Les organismes à activité économique limitée

La première structure à envisager n’en est pas vraiment une : il s’agit du consortium.

Le consortium consiste en une collaboration entre plusieurs acteurs, contractualisée ou non, en vue de l’exécution d’une ou plusieurs opérations.

Sa durée de vie est celle de l’activité pour laquelle ses fondateurs l’ont prévu. Le consortium présente l’avantage de pouvoir être facilement constitué et de laisser une liberté totale dans la réglementation des relations entre les membres. L’inconvénient majeur est qu’il constitue un groupement dépourvu de personnalité morale, donc peu sécurisant pour les tiers, ce qui limite de fait ses possibilités de développement économique.

L’association de loi 1901 va permettre la création de cette personnalité morale dédiée au commun, tout en conservant une grande liberté dans l’organisation interne. L'association se définit comme « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices ». Son régime est très souple, puisque la loi exige seulement la déclaration d’un objet, d’un siège social et d’au moins deux dirigeants pour reconnaître la personnalité juridique à l’association. Par ailleurs, le fonctionnement associatif fait de l’assemblée générale des membres l’organe central de la structure, ce qui en fait un véhicule adapté pour l’auto-gouvernance des communs. L’association est ainsi le mode de primo-structuration privilégié des porteurs de communs, mais sa pertinence comme cadre structurant dans le temps peut évoluer selon le modèle économique retenu pour le développement du commun. En effet, l’activité économique et commerciale d’une association est strictement encadrée et limitée.

Également sans but lucratif, la fondation est cependant une structure distincte de l’association, et pourra être envisagée selon l’objectif poursuivi par le commun. La fondation se définit par l’affectation irrévocable de biens pour la réalisation d’une œuvre d’intérêt général ; ainsi que par une gouvernance reposant essentiellement sur son conseil d’administration. Comme pour l’association, ses perspectives de développement économique sont limitées du fait de l’encadrement légal prévu.

Dans le cas particulier d’un commun numérique impulsé ou rejoint par un acteur public, le Groupement d’Intérêt Public (GIP) est enfin une alternative complémentaire. Le GIP est une personne morale de droit public, dotée de l’autonomie administrative et financière. Il est constitué par convention, approuvée par l’État, soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit entre une ou plusieurs personnes morales de droit public et une ou plusieurs personnes morales de droit privé, afin d’exercer ensemble des activités d’intérêt général à but non lucratif. Cette structure fera l’objet d’une série de billets qui reviendront en détail sur ses spécificités et son adéquation à la structuration juridique de communs numériques.

Si les structures que nous venons d’évoquer présentent l’avantage d’une certaine facilité quant à leur création et leur gestion, leur cadre légal limitant le développement d’une activité économique propre peut conduire à se tourner vers d’autres modèles de structuration moins contraints sur ce point.

​Les organismes permettant le développement d’une activité économique

Structures économique par nature, les sociétés commerciales peuvent constituer un modèle centralisé utile pour initier ou développer une activité commerciale autour d’une ressource.

En droit français, les principales formes de sociétés commerciales sont la Société Anonyme (SA), la Société À Responsabilité Limitée (SARL), et la Société par Actions Simplifiée (SAS), qui connaît une déclinaison unipersonnelle (SASU). Chacune présente ses spécificités, mais toutes sont tournées vers le même objectif de facilitation et de développement de l’activité économique.

Toutefois, à l’inverse de l’association, le régime légal ne permet pas d’assurer une auto-gouvernance par les membres, l’assemblée générale s’effaçant au profit de l’organe exécutif (en général, le conseil d’administration). Il peut alors être intéressant, quoique complexe, de créer une société unipersonnelle entièrement détenue par une association regroupant les membres de la communauté constituée autour du commun, de façon à développer une activité économique conséquente tout en assurant une gestion démocratique de l’ensemble.

Une dernière alternative peut être la création d’une coopérative, plus particulièrement celle d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC). Il s’agit d’une coopérative constituée à partir d’une des trois principales formes de société commerciale (SA, SARL, SAS), à laquelle s’ajoute un jeu de règles coopératives. La SCIC a pour objet « la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale ». Elle doit inclure impérativement trois catégories de coopérateurs : les bénéficiaires de son activité, ses salariés, ainsi que les tiers intéressés par son activité.

Compte tenu de l’intérêt qu’elle peut présenter pour structurer un commun initié ou rejoint par un acteur public, elle fera aussi l’objet d’une série de billets revenant en détail sur ses spécificités.

Ce rapide état des lieux des formes sociales pertinentes tend à démontrer qu’il n’existe pas une structuration parfaite convenant à n’importe quel projet de commun numériques. Au contraire, la richesse du droit des sociétés, revivifié par la loi sur l’économie sociale et solidaire, permet aux acteurs des communs de choisir parmi une diversité de modèle celui qui correspond le mieux aux valeurs et aux objectifs de leur projet.

Deux analyses dédiées au GIP et au SCIC

Il est possible de se référer au site du Labo Société Numérique pour plus de contenus dédiés au GIP et au SCIC

Ce billet est une publication réalisée par le cabinet inno³ pour le compte du Labo Société Numérique de l'ANCT. Destinée à favoriser la structuration de communs numériques produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches.

🔎 Cet article est un article du Labo Société Numérique, un dispositif du Programme Société Numérique de l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires qui œuvre en faveur d'un numérique d'intérêt général en offrant à toutes et tous les clés d'appropriation du numérique.

Au travers de dossiers et articles, le Labo propose un regard critique sur les défis éthiques et sociaux du numérique, les enjeux juridiques des communs numériques et de l’innovation publique, le développement des territoires et l'inclusion numérique. Il part de la conviction que les politiques publiques se construisent dans le dialogue avec les sciences humaines et sociales et requièrent des espaces de réflexivité.

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