Publiée dans la base Société Numérique

Publiée le 07.03.2023 ︱ Mise à jour le 20.03.2024

Marchés publics, open source et communs numériques

Cette fiche est tirée d'une publication réalisée par le cabinet inno³ pour le compte du Laboratoire Société Numérique de l'ANCT. Destinée à favoriser la structuration de communs numériques produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches. Retrouvez en bas de page l'intégralité de cette ressource directement sur le site du Labo SoNum, ainsi que les autres ressources de la boîte à outils des communs numériques.

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Les Logiciels libres (aussi appelés Logiciels open source ) sont des logiciels dont l’utilisation, l’étude, la modification et la redistribution sont permises, à la fois techniquement et juridiquement, au profit de tout détenteur d’une copie du logiciel.

Mutualisables, adaptables et vecteurs de transparence, les Logiciels libres sont attractifs pour toutes les organisations désireuses d’être maîtresses de leurs outils numériques. Ce n’est donc pas surprenant que de plus en plus d’acteurs publics s’intéressent aux Logiciels libres comme un mode d’organisation et de développement de leurs projets numériques, que ce soit pour leur fonctionnement interne ou encore dans le cadre de leurs missions auprès du grand public. À ce titre, le numérique favorise le « faire ensemble » et une bonne gestion des deniers publics.

Néanmoins, un tel changement ne s’opère pas sans une transformation culturelle profonde, de la conception au financement du projet numérique. L’une des tensions fortes qui subsistent, notamment du fait de l’écart qui existe entre la vision de l’équipe qui pense le projet et celles des services qui l’accompagnent, est l’étape de l’achat : pour prendre en compte la spécificité des Logiciels libres, les méthodes traditionnelles doivent elles-mêmes évoluer. En effet, de tels projets ne se conçoivent, ne se matérialisent et ne se maintiennent pas de la même manière que des projets numériques traditionnels. Plus encore, si l’administration souhaite en faire un « commun numérique » maintenu et utilisé par une communauté d’acteurs publics et privés.

Dans ce cadre, une étude a été menée afin de préciser les enjeux et solutions en matière de préfiguration de communs numériques dès la conception de marchés publics. Une première série d’échanges a été menée afin d’en délimiter le périmètre, permettant notamment de repérer toute ressource ou contribution pertinente en la matière. La note demeure itérative, n’hésitez pas à nous contacter si le sujet vous inspire ou vous intéresse.

Dans l’idée de ponctuellement partager une analyse de ces ressources, ce billet en présente trois : une note intitulée « Bonnes pratiques à adopter pour imposer le choix d’un logiciel libre au sein des marchés publics », les notes prises durant le webinaire organisé le 12/10/2020 par l’European Commission Open Source Observatory (OSOR) intitulé « OSS in Public Procurement Knowledge sharing for success 12 October 2020 » ou encore la retranscription du second Webinaire d’EOLE portant sur l’« acquisition de logiciels libres par des acteurs publics». N’hésitez pas à réagir sur le site du Labo Société Numérique !

Bonnes pratiques à adopter pour imposer le choix d’un logiciel libre au sein des marchés publics

Les spécificités du Logiciel libre ont depuis longtemps conduit à des mesures politiques permettant aux administrations de tirer le meilleur parti de ces affinités avec ce modèle de développement (voir la Déclaration ministérielle sur le eGouvernement dite Déclaration de Tallin du 6 octobre 2017).

Ainsi, favoriser l’émergence de l'open source participe à l'instauration d'un environnement propice à la concurrence et à l’innovation sur les marchés publics, avec les conséquences bénéfiques que cela peut avoir sur les prix, le bien-être et la croissance économique. Ce lien fort entre Logiciels libres et concurrence non faussée a d’ailleurs été confirmé par différentes décisions de justice au cours des dernières décennies (Voir Conseil constitutionnel italien, 23 mars 2010, 122/2010).

Du point de vue des marchés publics, l’acheteur public qui souhaiterait imposer un Logiciel open source (nommé ou non) dans le cadre de l’exécution d’un marché de prestations de services ne contrevient pas au principe de non-discrimination qui s’impose à lui. Ce constat reste vrai lorsque le marché porte sur un Logiciel libre nommé : ce dernier étant accessible à tous selon les mêmes conditions, chacun est ainsi libre de formuler une offre conforme aux besoins exprimés de l’acheteur public, ce qui contribue in fine à une libre concurrence. Cette analyse a été validée en France par une décision du Conseil d’État en 2011 (Décision du Conseil d’État CE n°350431 du 30 septembre 2011).

Néanmoins, plusieurs validations restent nécessaires : valider en amont du marché les choix d’un point de vue juridique, technique et économique ; imposer l’usage d’outils juridiques standardisés (licence libre standard notamment) ; s’assurer que le code source documenté est publiquement accessible ; vérifier la gouvernance du projet de telle sorte qu’il n’y ait pas de rupture de concurrence entre les acteurs susceptibles de répondre au marché.

Retour d’expérience de RTE sur l’implémentation de ces bonnes pratiques

Lucian Balea, directeur du Programme de R&D et Open Source Manager au sein de RTE, a pu témoigner de l’implémentation des pratiques précédemment évoquées au cours d’un webinaire de l’European Commission Open Source Observatory (OSOR). RTE a pu pour la première fois mettre en oeuvre les recommandations précédentes dans un marché pour des développements open source sur mesure qui seraient ensuite partagés sous licence permissive ou à copyleft faible.

La première observation est que si certains vendeurs ont refusé les conditions liées à l’open source, les propositions soumises par les autres étaient très satisfaisantes. Il a tout de même résulté de cette première observation un certain nombre d’adaptations du cadre théorique posé initialement :

  • Ainsi, sur le plan technique, les modèles d’appel d’offres de RTE proposent désormais la possibilité d’exiger des composants open source spécifiques pour répondre à des besoins fonctionnels particuliers, ainsi la possibilité d’exiger de l’open source (mais sans prescription sur les composants) pour répondre à une partie ou à la totalité des besoins fonctionnels. Également, RTE n’exige désormais plus que l’usage de licences libres permissives ou à copyleft faible.

  • Concernant la gouvernance, RTE exige que les composants open source proposés dans le cadre d’une réponse à un appel d’offres fassent l’objet d’une gouvernance ouverte (par exemple en étant hébergés par une fondation) ainsi que d’un programme de compliance conforme aux spécifications Open Chain 2.0. Enfin, RTE intègre à ses appels d’offres des dispositions facilitant la contribution aux développements et à la documentation des projets, et notamment la distribution de ces développements et de la documentation associée sous une licence open source.

Ce travail d’amélioration des bonnes pratiques à adopter dans le cadre de la passation d’un marché public exigeant un Logiciel libre par RTE n’en est qu’à ses débuts, comme le souligne l’intervenant, et se poursuivra au fur et à mesure de la passation de nouveaux marchés.

EOLE: Retours d’expérience d’usage de logiciels libres par des acteurs publics

La 13e édition de la conférence EOLE (European Open Source & free software Law Event) était axée sur les logiciels libres et les acteurs publics, et divisée en 5 webinaires, dont le second portait sur l’acquisition de logiciels libres par des acteurs publics, ainsi que leurs expériences et leurs recherches sur le sujet.

La coopération autour des logiciels libres du point de vue du droit de l’Union européenne

Barbara Gagliardi, professeure de droit administratif à l’Université de Turin, apporte une compréhension du droit européen sur les marchés publics et les logiciels libres. Les entités publiques en tant qu’opérateurs économiques sont autorisées à exercer leurs activités en utilisant leurs ressources internes ou en attribuant un marché à un autre opérateur économique. Ce choix est l’expression du droit à l’auto-organisation des entités publiques. Toutefois, la coopération n’est pas comprise dans l’hypothèse des “ressources interne”. La Cour de justice de l’Union européenne a reconnu que la coopération est le résultat d’une relation horizontale entre une entité publique et un tiers. Selon la Cour, pour qu’une coopération soit établie il faut remplir les conditions suivantes :

  • Le contrat établit une coopération dans le but d’atteindre des objectifs que les acteurs ont en commun;

  • La mise en œuvre de cette coopération est régie uniquement par des considérations d’intérêt public (et non de profit)

  • Enfin, les pouvoirs adjudicateur participants réalisent sur le marché moins de 20 % des activités concernées par la coopération.

La coopération peut couvrir tout type d’activité liée à l’exécution de services publics assumés par les autorités participantes. Elle peut également couvrir des “activités annexes” telles que l’adaptation d’un logiciel.

Retour d’expérience de la ville de Barcelone

Marc Pérez-Batlle, responsable des projets d’innovation technologique pour la ville de Barcelone, partage son expérience sur la mise en place de logiciels libres pour la ville. Trois projets sortent du lot selon Marc Pérez-Batlle:

  • Decidim : qui est une plateforme de démocratie participative, via laquelle les citoyens peuvent participer à la vie démocratique de la ville. Cette plateforme a été créée avec la participation des citoyens au développement du code ;

  • Sentilo : une plateforme de gestion des capteurs de la ville ;

  • Ethical Mailbox : une plateforme créée pour dénoncer anonymement la fraude de la part des élus et acteurs publics.

Ces expériences ont montré que les projets FOSS avaient l’avantage d’être reproductibles, rentables et de renforcer la collaboration étroite au niveau local, mais aussi international, puisqu’ils ont été repris ou reproduits par d’autres communes européennes.

La collaboration entre entités locales: le projet LocalGov Drupal

Enfin, l’intervention de Andrew Katz & Finn Lewis, impliqués dans le projet LocalGov Drupal, a permis d’avoir un aperçu de la collaboration entre entités locales au sein d’un même projet. Ce projet FOSS (Free and Open Source Software) a débuté avec deux conseils municipaux britanniques qui ont décidé de partager le code pour créer leur site web. Cette initiative, combinée au financement du gouvernement, a permis à LocalGov Drupal de prendre vie. La collaboration a été organisée autour d’un protocole d’accord simple et léger, leur offrant une feuille de route claire. Ce projet qui implique 4 conseils municipaux depuis 1 an a permis à ce jour de lancer les nouveaux sites internet de deux municipalités.

Crédits et liens vers d'autres ressources de la boîte à outils

Ce billet est une publication réalisée par le cabinet inno³ pour le compte du Labo Société Numérique de l'ANCT. Destinée à favoriser la structuration de communs numériques produits ou soutenus par l’administration, elle s’adresse à la fois aux acteurs porteurs de communs ainsi qu’aux personnes en charge d’accompagner ces démarches.

🔎 Cet article est un article du Labo Société Numérique, un dispositif du Programme Société Numérique de l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires qui œuvre en faveur d'un numérique d'intérêt général en offrant à toutes et tous les clés d'appropriation du numérique.

Au travers de dossiers et articles, le Labo propose un regard critique sur les défis éthiques et sociaux du numérique, les enjeux juridiques des communs numériques et de l’innovation publique, le développement des territoires et l'inclusion numérique. Il part de la conviction que les politiques publiques se construisent dans le dialogue avec les sciences humaines et sociales et requièrent des espaces de réflexivité.

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