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La Revue NEC #5 : Numérique et migrations
La revue Numérique En Commun[s] est un quadrimestre publié par le Programme Société Numérique de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires. Le but de cette revue est de décrypter les enjeux, documenter les bonnes pratiques des territoires français en termes de numérique d’intérêt général, éclairer les points aveugles des médiations socio-numériques et montrer que l’inclusion n’est pas une réponse au surnombre de retardataires mais une exigence adressée au numérique de demain.
13 VuesVues·2 EnregistrementsEnregistrementsL'éditorial du dossier
La numérisation croissante – exponentielle par certains aspects – de nos sociétés modifie en profondeur les enjeux de migration et les conditions d’existence des personnes migrantes. C’est ce que nous souhaitons aborder dans ce cinquième numéro de la revue Numérique En Commun[s].
Les catégories le plus souvent – et parfois indûment – mobilisées pour parler des personnes ayant un parcours migratoire orientent non seulement le regard que le reste de la société porte sur elles, mais tendent également à véhiculer une vision essentialisante de ces groupes sociaux.
Dans ce dossier, nous avons tâché de donner à voir, avec le plus de précision possible, la multiplicité des situations individuelles – et donc des enjeux collectifs – dont il est question. Ainsi, nous employons de manière privilégiée la catégorie – la plus exhaustive à notre sens – de « personnes migrantes », mais lorsque cela est nécessaire, nous utilisons d’autres catégories (« personnes réfugiées », « mineurs non accompagnés », « personnes étrangères », etc.).
Aborder le numérique d’intérêt général par la question des migrations, c’est aussi s’interroger sur la dimension éthique de nos environnements socio-techniques.
Le fait migratoire constitue ainsi un observatoire de premier plan pour penser les enjeux socio-politiques du numérique et en illustrer la dualité : à la fois poison et remède, comme le décrivait le philosophe Bernard Stiegler à travers la notion de pharmakon. Que l’on s’attache à la surveillance des frontières, à l'organisation des démarches des personnes migrantes, le numérique imposé aux personnes migrantes (par les États, les organisations internationales ou non gouvernementales, etc.) renvoie à des usages souvent opaques, quand ils ne sont pas inquiétants.
Par ailleurs, si l’on regarde l’agentivité et l’engagement des personnes migrantes, on se rend compte que la solidarité de nombreuses organisations de terrain et les manières de concevoir des outils pensés par et pour les personnes concernées constituent un numérique plus émancipateur et accueillant. Poison et remède.
Le fait migratoire, loin de n’être qu’un poste d’observation, interroge les frontières mêmes du numérique d’intérêt général et, ce faisant, questionne plus largement la mise en pratique de nos valeurs.
Anne-Charlotte Oriol / directrice du numéro