Publiée le 07.03.2023

NEC Lalouvesc 2022

Aujourd’hui le rural, qui entretient une relation de proximité à la nature et propose de plus en plus d’autres modèles de production (circuits courts, low techs…), devient une inspiration pour l’urbain. Ce renversement devrait trouver aussi sa traduction dans un raisonnement différent face aux développements des services numériques.

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Le NEC Lalouvesc s'est déroulé du lundi 3 octobre 2022 au mardi 4 octobre 2022 au Centre d’Animation Communal de Lalouvesc. Retour sur les temps forts de ces journées d'échanges, co-organisées par la mairie de Lalouvesc et Plateaux numériques sur la thématique Numérique & Ruralité.

Retrouvez les temps forts de la journée !

👥 Table ronde : Le numérique, décloisonnement ou contrainte ?

Avec Jean-Marc Thomas, chargé de mission numérique de la sous-préfecture de Tournon ; Valérie Peugeot, chercheuse à Orange et commissaire à la CNIL ; Gauthier Roussilhe, chercheur RMIT / CRD ; Aurélien Tabard, chercheur INRIA

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Jean-Marc Thomas

Principaux axes pour l’action l’État (en partenariat avec les collectivités locales)

  • Développement des infrastructures : (1) l’enjeu est de permettre à tou·tes les habitant·es de bénéficier de l’accès au réseau mobile et au très haut débit (sachant qu’il y a des problématiques de relief) (2) il s’agit de mettre à disposition des services aux habitants actuels et futurs (un des enjeux étant d’accueillir des personnes souhaitant s’installer sur le territoire) (3) un programme public de resorption des “zones blanches de téléphonie mobile” est en cours de déploiement l’Ardèche étant en “première ligne”, avec une centaine de de pilones de téléphonie mobile et le développement de la fibre optique (sur impulsion d’Orange - en petite partie - et des collectivités à 80%). L’État joue un rôle de facilitateur (pour obtenir des financements, débloquer des situations administratives et techniques complexes, “respecter” les calendriers). (4) le travail institutionnel se fait en coopération, avec l’Etat, les collectivités, les ‘acteurs locaux’ et les ‘tiers-lieux’. Le développement de lieux partagés autour des usages numériques est plébiscité. (5) l’Etat attribue une dotation d’équipement des territoires ruraux (guichet territorial pour la transformation numériques des petites et moyennes collectivités). Des budgets sont dédiés à la formation des agents territoriaux et au soutien d’initiatives (de tiers-lieux) portées par des associations locales.

  • Inclusion numérique : nous nous inscrivons dans un contexte de disparition des guichets de service(s) public(s) & de numérisation croissante des démarches administratives. Il y a une problématique d’accès aux droits pour des personnes qui ne sont pas en maitrise des “outils numériques”. Il y a la volonté d’apporter des “ressources” pour réduire la fracture numérique. L’ANCT joue un rôle important. Plusieurs démarches ont été initiées depuis quelques années : pass numérique (formation numérique pour les personnes les plus en difficulté, financé par le département et l’État), espaces France Service (animés par des collectivités et les EPCI) équipés de systèmes de visioconférence. Il est prévu que le nombre de conseillers numériques de l’Ardèche double dans les trois prochaines années.

Discussion

  • Valérie : 1/ est-ce qu’il y a des objectifs chiffrés (en termes de couverture, haut débit & téléhonie mobile) ? 2/ Sur le volet d’inclusionn numérique, dans le mode de financement est-ce qu’il n’y a pas un glissement (de la prise en charges) vers les collectivités ?

  • Christophe : 1/ les informations sont publiques. Les sites de l’ARCEP et de l’ANCT permettent de suivre les avancées de la couverture. En matière de téléphonie mobile, le département s’inscrit dans le dispositif “New Deal”, qui contraint les 4 principaux opérateurs de téléphonie mobile à équiper les territoires, afin de réduire les zones blanches prioritaires. L’objectif, c’est une couverture de 80 % du territoire ardéchois. 2/ l’implication financière de l’État est importante. Il prend en charge la formation initiale et une grande partie du salaire des conseillers numériques France Service.

  • (…) : sur les ressources attribuées à l’inclusion, cela implique que la personne aille vers. Dans les communes rurales, on va vers le maintien à domicile. Que va-t-on mettre à la place des télé-alarmes ? Comment maintenir cette population (25% de + de 65 ans) ?

    • Jean-Marc : vous évoquez des personnes qui ne peuvent pas se déplacer. Les conseillers numériques vont pouvoir se déplacer jusqu’aux domiciles. Les collectivités et les réseaux associatifs qui ont connaissance des besoins locaux, sont invités à collaborer pour bénéficier des financements et dispositifs. L’État n’est pas l’employeur.

Valérie Peugeot

L’inclusion numérique, ce n’est pas un sujet nouveau. C’est une histoire de 25-30 ans. Il y a eu des vagues successives, avec grandes 4 périodes. Le vocabulaire a changé au cours du temps.

  1. La première période court du milieu des annéess 1990 jusqu’à 2001. L’État a alors une approche axée sur l’équipement (en ordinateurs connectés à internet). Les EPN sont créés. C’est sur cette période qu’est introduite le concept de fracture numérique (binaire).

  2. Entre 2001 et 2013, l’attention se tourne vers les usages dans un contexte de massification (avec le développement des réseaux sociaux, du du e-commerce). Les finacements publiques régressent, notamment dans les collectivités. Les compétences se développent et une vision émancipatrice du numérique s’afformer. Il y a un glissement de la notion de “fracture numérique” à celle d’“inclusion numérique”. Certains formulent la perspetive de citoyenneté numérique (repris par le Conseil National du Numérique de l’époque).

  3. Au tournant de 2013, nous entrons dans la période de l’accélération de la dématérialisation des services publics (elle avait commencée dès 1998). Depuis 2016, l’Etat affirme un plan 100% dématérialiastion. C’est une période de nouvel élan politique sur l’accompagnement. C’est une aussi une période de remise en cause (critique) des EPN, les FabLabs et les Tiers-Lieux se démultiplient. Le champ de la médiation numérique de structure avec la création de la MedNum (société coopérative d’intérêt collectif, incluant l’Etat).

  4. À partir de 2018, nous sommes dans une période de paradoxes. La dématérialisation est quasi totale. La crise sanitaire a fait émerger des publics invisibilisés (cf. le dispositif Solidarité Numérique : ex disparition des interlocuteurs de la CAF). La minorité est de plus en plus marginalisée (cf les rapports du Défenseurs des Droits). Le chiffre de “13 millions de personnes éloignées du numériques” circule. Ce chiffre est problématique car il masque la diversité des personnes concernées et de leurs usages (qui peuvent être très à l’aise pour aller sur leboncoin mais pas du tout pour envoyer un email, qui savent utiliser Facebook mais ne savent pas réaliser une démarche administrative par Internet).

Le problème se déplace en permanence (avec des publics jeunes et agés, notamment). Le fameux concept de “digital natives” (relayé notamment par Michel Serres) est un contresens sociologique, attesté par les enquêtes. L’accompagnement numérique est un travail de dentelle. Des transformations sont à l’oeuvre dans la santé (avec le développement de la téléconsultation pour paliers les déserts médicaux, le recours à des espaces numériques en santé…).

Il y a une diversification des acteurs de la médiation numérique. Les travailleurs sociaux sont mis en obligation de se mettre à la médiation. Des acteurs privés (à but lucratif) se manifestent (Mon assistant numérique, par exemple). Quel futur équilibre (à venir) entre offre publique et offre privée ? Jusqu’à quel point on fait à la place de, à côté de, on forme, on émancipe ? L’avenir nous dira comment on arrive à construire des dynamiques pour émanciper.

Ex: sur l’apprentissage de la protection de ses données personnelles en ligne : passer de juste “refuser le cookie” à expliquer comment fonctionne la publicité en ligne, pourquoi certains sites collectent de la donnée, l’inérêt de parfois payer pour des services en ligne, éduquer au logiciel libre vs propriétaire. L’Etat va vers une simplication de la relation administré/administration.

Discussion

  • Jean Claude : lors du confinement (printemps 2020), nous nous sommes pris en pleine face les difficultés d’usages de beaucoup d’élèves. Les enseignants ont été amenés à faire de la médiation numérique de facto. Comment faire pour répondre à ces enjeux ?

  • Valérie : 1/ sur la période de confinement, il y a eu des problématiques de partage du matériel informatique dans les foyers. Cela a accentué les difficultés 2/ il y a une certification pour les élèves. C’est une auto-certification. Il y aussi une formation à l’informatique qui a été introduite, mais il faut former les enseignants. Aujourd’hui, c’est encore du bricolage 3/ il y a pas mal d’EPN qui montent des partenariats avec des écoles et qui associent les parents (“triange école-parents-élèves”) 4/ le challenge, c’est d’éviter la dialectique “bon” vs “mauvais” numérique. Le numérique de tous les dangers (pornographie, harcelement, copie…) a été longtemps prédominant. Les médiateurs peuvent faciliter une forme de reflexivité, *pour ne pas enfermer.

Aurélien Tabard

On distingue généralement télécom & informatique. L’un s’intéresse au réseau (couches basses), l’autres aux services/applications (couches hautes). Les questions de connectivités sont généralement pensée par le monde des telecommunications, sans trop penser l’usage… Je travaille d’avantage dans un contexte urbain en m’intéressant aux usages concrets.

Quelques exemples : 1/ dans le cas de la bibliothèque du 2e à Lyon : le réseau est rapidement ralenti dès que des visiteurs regardent des vidéos en ligne 2/ si toutes les tablettes se connectent en même temps dans cetaines écoles, le réseau tombe… 3/ dans le cas des apps de mobilité (Google Maps, Citymapper) : pour fonctionner, cela nécessite d’activer le GPS, le bluetooth et le réseau mobile. La plupart des gens ne le font pas, cela crée des déconnexions et empêche le bon on fonctionnement.

Il y a un haïtus entre les “imaginaires du numérique” (illimité, immatériel, etc.) et le “numérique de tout les jours” (intermittant, défaillant, etc.). Les concepteurs de services numériques projettent leur imaginaire du numérique en omettant (volontairement, mais pas forcèment) des usages ou contraintes. La formation des informaticiens et des designers (en milieu scolaire) est encore à revoir et à améliorer.

Il faut travailler avec des choses cassées. Il nous faut investir dans la maintenance (réseaux, services, terminaux…). Les stress climatiques & géopolitiques devraient être plus en plus forts.

Discussion

  • Jean-Michel : je reviens sur la question des alarmes des personnées agées notamment et la maintenance des réseaux dont ils dépendent. Quelles “solutions” envisages-tu ?

  • Aurélien : à côté de l’innovation, il y a un enjeu à investir dans la maintenance. Nous avons un patrimoine technique à entretenir (réseau 2G, disquettes, vieux langages…).

  • Gauthier : il nous manque des archives sur la façon dont on a fait les choses.

  • Aurélien : telecom = culture du fil vs informatique = ajout d’une couche virtuelle (avec l’acceptation d’une perte de qualité / fiabilité, qui a permis de faire plus de choses).

  • Gauthier : le numérique va vite en surface., cela va lentement en sous-jacent.

Gauthier Roussilhe

La couche la plus récente, c’est celle des enjeux environnementaux (~ 2018). Pas mal de chiffres ont été sortis. Ce ne sont pas des savoirs stabilisés. Les sciences environnementales appliquées au numérique, cela date des années 2000. Il est difficile d’obtenir des données.

La fibre sera la dernière infrastructure installée en France. La 5G ne sera pas installée partout.

Il y a eu une prise de conscience qu’il est nécessaire de concerter avant de déployer en France.

Nous sommes dans un cercle d’auto-renforcement infrastructures/usages. Il y a besoin de “briser” ce cercle pour allonger la durée de vie des infrastructures et répondre aux besoins d’aménagement des territoires. Pour donner un exemple, à Marseille, 30 projets d’installation de centre de données ont été proposés à la municipalité (et la plupart ont été refusés).

Il se pose aussi la question du maintien des infrastrctures dans un contexte d’intensification des risques climatiques, avec notamment l’enjeu de dépendance des services numériques au réseau électrique (ex. les coulées de boue à La Roya, les pics de chaleur à Londres). Cela pose la question de notre dépendance aux droits essentiels et services pour répondre à des besoins de premières nécessité au numérique dans le cadre de ruptures (New Orleans, La Roya,…).

Discussion

  • Valérie : faut-il opposer les logiques de maintenance et de transformation numérique ?

  • Aurélien : 1/ il y a un effet de gommage par les imaginaires de l’innovation (auxquels sont sensibles les étudiants) 2/ il y a des pertes de compétences. Je regarde ces enjeux depuis l’univers des bibliothèques (pour documenter des savoirs).

  • Pierre : de ce que comprends, il y a un double maintenance (technique et culturelle)

  • Aurélien : il y a des effets de lobbying industriel et de volonté politique.

  • Valérie : il y a le mythe de la croissance et des nouveaux marchés. Cela surplombe. Cela tire le cercle vicieux (de développement des infrastructures et de “nouveaux usages”).

  • Jean-Michel : 1/ nous avons un bulletin d’information en ligne, mais il y a toute une partie de la population qui ne va pas le consulter. On fait une sortie PDF, qu’on imprime, et on les distribue dans le village. 2/ nous avons fait une étude sur “comment les gens s’informent”. Un des résultats, c’est que cela passe par les affiches chez les commerçants. On fait donc systématiquement des affiches. Il faut une architecture multi-canaux de l’information.

  • Florian : j’ai été marqué par la présentation du phénomène d’auto-renforcement évoqué par Gauthier, qui renforce un risque de deconnexion entre technologies et infrastructures. Ces ruptures sont-elles à venir où les vivons-nous déjà ? Par exemple, l’Etat n’est-il pas déjà en rupture (organisationnelle et légale) dans le cas de l’accueil des étrangers au regard de l’allongment des délais des procédures administratives et de la régression ressentie du fonctionnement de la justice administrative dans le domaine ?

  • Valérie : c’est un choix politique (de rejet) qui s’implémente dans la technique.

  • (…) : au delà du droit des étrangers, notre expérience (avec la mise en circulation d’une caravane, avec les CCAS en Drôme-Ardèche), c’est que le non recours est massif !

  • Christophe : il n’y a pas d’intentionnalité politique derrière les non-réponses. Les agents de l’État, dans les territoires (notamment ruraux), font au mieux dans un cadre qui a été voulu (par les gouvernements successifs) de baisse budgétaire.

  • Aurélien : la prestation de services a été beaucoup poussé dans les administrations. Du coup, il y a un manque de compétences internes et cela demande d’articuler de multiples prestataires (qui ne vivent pas la complexité des agents publics). Il serait intéressant de pousser la création de services publics numériques, pensés par les agents ET publics.

  • (…) : quel est le rôle des opérateurs ? comment se passent les interactions ? Le système concurrentiel est-il bénéfique dans la perspective d’être en dynamique de concertation

  • Christophe : pas toujours, d’où le besoin de structures indépendantes d’observation et de régulation.

💻 Atelier : Sociabilités numériques et proximité

La sociabilité dans le monde rural diffère de celle du monde urbain par une proximité immédiate et un ancrage dans le territoire. Ainsi l’information locale est essentielle à la vie quotidienne, les liens d’attachement perdurent avec l’éloignement. Mais le numérique, au-delà des alertes ponctuelles, semble plutôt utilisé par les collectivités du monde rural comme un outil promotionnel pour séduire des populations extérieures. D’autres stratégies sont-elles possibles ? Réseaux sociaux et proximité sont-ils compatibles ?

Animatrices : Caroline Gaujard-Larson (Cancan Studio), Lydia Khodja (Comly)

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Caroline Gaujard-Larson

Je suis originaire de la Manche. J’ai une expérience dans l’accompagnement de journaux et de groupes de presse dans leur “numérisation”. J’ai créé le Cancan Studio il y a 1 an et demi.

Avant cela, je me suis investie dans des projets de café, de médias et j’ai été en école de journalisme, avec l’ambition de proposer un offre de formation aux médias en milieu rural.

Pendant le confinement, j’ai accompagné les TPE sur le numérique, en faisant du porte à porte, pour faire face aux fermetures (gestion des réseaux sociaux, shotting photo…). Fin 2020, j’ai mis en place une newsletter sur la vie locale qui a été pérénisée suite à son succès. Le support est très adapté, semble-t-il, en milieu rural, car la plupart les gens ont une adresse mail. Par ailleurs, il parait pertinent d’avoir un relais physique de la communication par mail.

Sur place, je n’ai pas trouvé de lieu où je me sentais bien pour travailler. Du coup, je l’ai créé avec d’autres. Cela ressemble à un tiers-lieu sous bail précaire. On a travaillé en doudoune dans la vitrine (pour avoir une visibilité de l’exterieur). Dans le lieu, il y a une galerie d’art, un café, un espace pour faire des ateliers entre habitants (tricot, accompagmenent média & numérique, etc.).

La priorité pour le développement du projet, c’est de péréniser la newsletter et pourquoi pas de monétiser une partie à l’avenir. Le périmètre est de 30 km autour de la commune. On pense qu’il ne faut pas que ça aille plus loin. La newsletter a 700 abonnés, avec un taux d’ouverture de 50%. Beaucoup de gens la lisent sans être abonnés, car le contenu est partagé sur les réseaux sociaux.

Discussion

  • Q : vous avez des sponsors qui vous financent ?

    • R : non, la newsletter est auto-financée. Nous avons créé une asso pour le tiers-lieu(x)

  • Q : qui écrit, contribue à la newsletter ?

    • R : il y a des volontaires pour devenir “correspondant·es”. Cela étant, c’est surtout moi qui écrit aujourd’hui. Le publi-reportage (à terme) pourrait être une source de revenus (avec le soin que cela soit identifié comme “contenus de com’” pour les lecteurs). Il a plus d’offre culturel que ce que l’on pense mais on n’est pas forcément au courant.

  • Q : est-ce que les envies des personnes qui ont envie de contribuer entrent en conflit avec les orientations discutés avec l’incubateur de média qui vous a accompagné ?

    • R : aujourd’hui, je porte le projet à bouts de bras et je bosse à côté chez Ouest France. C’est mon principal tiraillement.

  • Q : qui sont les adhérent·es de l’association et comment sont-elles/ils invité·es à contribuer ?

    • R : l’association est créée depuis le mois de mai 2022. Les profils des adhérents sont très variés : locaux, résidants secondaires, artistes, actifs, jeunes retraités (il y a notamment beaucoup de femmes en recherche de sociabilisation).

Lydia Khodja

J’ai créé une agence de com’ en milieu rural. Je travaille seule et en partenariat selon les projets. J’aimerais alerter sur des sujets qui concernent les villages et le numérique.

En bref : de gros acteurs abusent de la naiveté des gens (notamment les commerçants) pour vendre des services - parfois très chers - inutiles (exemple : un site web pour 5 ans)

Les affiches jouent un rôle important. L’affichage public répond au besoins de lien social.

J’interviens à Lalouvesc. Avec le temps, je suis devenue une personne référente sur de multiples besoins inforamtiques. Les gens ont clairement besoin de parler à quelqu’un.

Discussion

  • Gauthier : l’équipe municipale de Rocamadour n’a plus accès au NDD rocamadour.fr … car il est “possédé” par un acteur privé depuis 15 ans (qui essaie de le revendre)

    • Pierre : la méconnaissance empêche d’être proactif sur les noms de domaines.

  • Anaëlle : as-tu observé des services numériques adaptés aux commerçants ?

    • Lydia : le plus adapté, c’est quand on dit que ça n’est pas nécessaire de faire.

    • Jean-Michel : pour ma part, j’ai eu la surprise de participer à un “atelier numérique” de la Chambre de l’artisanat… qui était animé par un évangéliste de Facebook !

  • Jean-Michel : deux points sont importants : 1/ une architecture de l’information multi-modale à travers le prisme de la proximité 2/ savoir comment écrire pour le local. Cela entraine la nécessité de détecter les personnes en savoir, en capacité de régularité.

  • Q : avez-vous identifié une typologie de freins (relative à l’information locale) ?

    • Caroline : ce qui manque le plus, c’est le temps disponible pour écrire

    • : il y a besoin de (re)former les élu·e·s à la communication écrite

    • Timothée : structure et contenu de l’information sont intimement liés.

    • Jean-Michel : un tutoriel vidéo, sur le sujet, cela pourrait être utile

    • Pierre : à Rocamadour, on a fait un poster basée sur une vidéo (DINUM)

  • Q : qui décide ce qu’est le “bon” contenu ? comment cela fonctionne de votre expérience ?

    • Pierre : dans le cas de Plateaux Numériques, c’est “situationnel”. L’écriture se fait a priori, la modération a posteriori. Quand est choisit la question du “bon contenu” ?

    • : chez nous, il y a une distribution de l’écriture en conseil municipal, avec une écriture et relecture asynchrone. Pour le bulletin annuel (lourd) on a de commissions.

    • Gérard : pour notre gazette, je choisis les sujets qui sont écrits par d’autres. Avant la publication, tous les élus de l’équipe municipale sont invités à relire les textes.

  • Q : au delà de former quelques élus, n’y a-t-il pas inéret à faire venir des personnes qui animent des ateliers d’écriture, pour encapaciter à la fois les élus et les citoyens (pour aller vers davantage de contribution, pour faire monter le savoir en écriture de la communauté locale) ? Le design peut permettre d’avoir différentes paroles (en web ou en papier).

    • Florian : s’appuyer sur les écoles et les enfants pour mette en récit(s) les informations du village, cela peut être porteur d’apprentissage et de dynamique villageoise, les enfants étant de très bon catalyseurs.

🌐 Atelier : Coproduire des communs numériques pour faire vivre le territoire

Les communs, ressources partagées gérées par des communautés, proposent une autre approche du numérique, qui viennent compléter les services proposés par le marché. A côté des communs numériques universels - wikipedia, open street map, open food fact… - et des communs numériques produits par les acteurs publics - open data, Bano -, les territoires sont le lieu de production de nouveaux communs répondant aux besoins des habitants. En partant de quelques exemples (logiciels Adullact, wikibrest, capteurs citoyens, fabrication ouverte dans les tiers-lieux), l’atelier s’interrogera sur les communs à imaginer susceptibles de répondre aux besoins spécifiques des territoires ruraux.

Animateurs : Valérie Peugeot (Orange, CNIL, Sciences po), Jean-Michel Salaün (Mairie de Lalouvesc)

Valérie Peugeot

Un commun, c’est un bien (matériel ou immatériel), dont un collectif (petit ou grand) prend soin et qui se dote d’une gouvernance sur mesure pour protéger et faire fructifier le bien.

Un tiers des terres au Japon au XIXe siècle ont été gouverné en commun(s). La charte des forêts en Angleterre au XIIIe siècle protégeait les droits d’usage(s) de la forêt pour la paysannerie. La France a connu de nombreux communs échappant au régime de propriété privée (fours à pain, jardins partagés, lavoirs, moulins…). Le droit français comporte encore quelques “traces” de cette époque (e.g. l’affouage - inscrit dans le code forestier - qui dote les communautés rurales d’un droit/pouvoir de gestion des fôrets communales).

Il y a eu une élimination progressive des communs en raison de l’industrialisation (d’abord en Angleterre) et la pensée libérale (sacralisant la propriété privée). Depuis quelques décennies, avec le développement d’internet & du numérique, nous constatons un retour des communs, avec une circulation facilitée des créations et des connaissances (dans une dynamique de partage). Le numérique a consacré des “communautés constributives” (ex : encyclopédie Wikipedia, système d’exploitation linux, carte OpenStreetMap, Open Food Facts, etc.)

Les collectivités peuvent “trouver intérêt” à soutenir les communs pour deux raisons : 1/ faire le choix de s’outiller et de produire des communs, c’est participer à une dynamique collective qui donne de l’autonomie (à l’opposé des GAFA ; cf. ce que fait l’Adullact… 2/ au regard de l’essoufflement de la démocratie représentative, les communs peuvent engendrer une démocratie contributive qui peut revigorer (et non se substituerà ) la démocratie représentative. Ex : 1/ la Mairie de Brest a formé des habitants à l’écriture wiki pour qu’ils participent à la représentation de leur territoire. 2/ des Tiers-Lieux et FabLabs soutiennent le partage de créations 3/ La Turbine à Grenoble fait des formation à OSM et ateliers de fabrication de capteurs de la pollution. Le numérique est vecteur de communs de la connaissance.

Discussion

  • Pierre : “open data”… ce n’est pas parce que c’est “open” que c’est commun !

    • Valérie : cela dépend de la licence (gouvernant les usages des données). Toutes les licences ne sont pas forcément protectrices des communs vis-à-vis des “freeriders” qui vont se servir de données ouvertes pour les réencapsuler à leur “profit” (ex : Android / Google). La mise en place d’une gouvernance adaptée est aussi essentielle.

  • Pierre : une collègue en charge du pôle numérique du PETR Sud Maconais animé des ateliers wikiepdia, pour raconter l’histoire du pays. Cela a réuni une dizaine de “seniors”.

  • Jean-Michel : un comité des fêtes à Lalouvesc s’occupe des décorations du village. Il y a une pratique de faire en commun, au bénéfice de tout le village. C’est très ancré dans le territoire, cela participe de la sociabilité et cela repose sur le partage de savoirs. Ils se servent d’Internet pour récupérer des exemples. Ils utilisent beaucoup les outils des GAFA.

    • Valérie : 1/ ce qui est important, c’est la dynamique sociale (en comparaison des approches marché ou service public) 2/ les expériences utilisateur de plusieurs logiciels libres (notamment ceux proposés par Framasoft), sont de très bonne facture 3/ les acteurs publics ont pris l’habitude d’entretenir les GAFA. La commande publique est un levier pour développer des “alternatives”, pour gagner en qualité d’expérience.

    • Sébastien : au NEC Chambéry, Angie (Framasoft) a eu l’occasion de formuler que le logiciel libre nécessite un effort. Cela remet en responsabilité les publics (…).

    • Pierre : il y a une tendance de fonds pour faciliter l’appropriation des communs.

    • Aurélien : il y a aussi une légitimité à ne pas savoir. L’enjeu, c’est aussi de construire des parcours qui favorisent l’encapacitation (testé par ex avec des bibliothécaires).

  • Florian : dans l’échange, nous n’avons pas trop parlé du commun numérique matériel.

    • Timothée : quelques associations travaillent sur des réseaux internet locaux, comme ARN en Alsace. Cela participe d’une éducation populaire aux infrastructures du numérique.

    • (…) : dans notre commune, nous avons une équipe qui prend soin des chemins. Dans leur élan, ils ont travaillé une signalétique, ce qui les a aménés à recourir à une CNC, à utiliser une imprimante 3D… La dynamique de partage se diffuse dans le village.

📡 Atelier : La connexion pour tous dans les territoires ruraux, vraiment ?

La fibre promet une couverture à haut débit sur l’ensemble du territoire sans qu’ait été pensé ni étudié les usages spécifiques au monde rural. Une connexion haut débit pour tous est-elle souhaitable pour tout l’espace rural ? Est-elle possible ? Des alternatives sont-elles envisageables ? De même, comment utiliser des équipements anciens afin que l’accès à la connexion ne soit pas nivelé par les disparités économiques ?

Animateurs : Gauthier Roussilhe (RMIT/CRD), Aurélien Tabard (INRIA)

Au laboratoire, on a deux travaux en cours. Un premier, on s’est intéressé aux cassures dans la connectivité. Nous avons pris le cas des résidences universitaires, sur le temps du confinement. On peut trouver des similitudes dans d’autres contextes. Comment négocier un flux limité ?

Pendant le confinement de 2020, un certain nombre d’étudiants sont partis de la résidence, et ont pu avoir de meilleures connexions qu’en milieu urbain.

La connectivité pourrait être gouvernée en commun. Des approches P2P ont été expérimentés.

Nous menons actuellement une enquête sur les équipements. Nous nous sommes intéressés aux usages des smartphones cassés (écran, batterie, logiciel qui rame, etc.). Il y à penser sur ces dispositifs de réception.

Un mythe persiste : en déployant la fibre, nous pourrons maintenir les jeunes sur le territoire.

De plus en plus d’applications numériques demandent (pour fonctionner) à être connecté à Internet en permanence. Cela renvoie à certains imaginaires des infastructures numériques.

Que voulons-nous décentraliser ? Le biais de l’informaticien, c’est de faire de la décentralisation technique… et espérer qu’une décentralisation politique opère… On peut prendre le contre-pied, en partant de la gouvernance d’un objet technique et provoquer la discussion entre usagers. Aurélien cite l’exemple d’un logiciel développé avec l’atelier des Chercheurs. L’application repose sur des fichiers & des dossiers plutôt qu’une base de donnée. Cela peut être utilisé en ligne et hors ligne.

À noter : parfois, la “centralisation” peut être meilleure en termes de sécurité informatique.

Les imaginaires liées aux infrastructures sont nationaux et extra-nationaux. On se retrouve en bout de ligne dans un village. Il faut stabiliser les choix pour absorber les chocs. D’un point de village, il y a besoin de plusieurs années pour accueillir des nouveaux discours et imaginaires.

C’est une erreur de penser que la “numérisation” peut tout remplacer. Il y a un travail à faire sur le discours (qui va prendre du temps). La bataille a été perdu dans l’inclusion. Les maisons frances services remplacent très partiellement le maillage territorial des services publics.

Aurélien cite l’exemple des cartes grises. Des problèmes d’équité d’accès se posent…

Il y a un ensemble de coûts induits par l’acquisition de services. En faire prendre conscience, c’est déjà un premier enjeu. Pas facile à faire dans le cas de réorganisations sociales.

Il y a pas mal d’efforts de saisie de données à la mairie de Lalouvesc pour des contrôles.

Pas de demandes pour le raccordement à la fibre à la Lalouvesc. La 4G couvre les besoins.

Dans d’autres cas, l’arrive de la fibre génère la question… “Pourquoi cela ne marche pas ?!”

Neutralité d’internet : tout ce qui circule sur les réseaux est traité de la même manière, sans discrimination. On pourrait envisager d’autes approches (avec par ex des ""priorités…)

Synthèse par Yaelle et Sébastien

Sur cette conclusion, je vous propose plutôt de mettre en regard les échanges du jour avec de ce qui s’échange dans les différents rencontres Numérique en Communs en territoire.

Ce qui est certain, c’est qu’il est problématique de parler du numérique au singulier. Une maturité va grandissante, de NEC en NEC, avec des angles variés (à mettre en dialogue).

Les sujets sont de plus en plus précis en fonction des territoires. La notion de rupture apparait dans cette diversité, tout comme celui de l’urgence sociale et de l’accès au droit.

🔗 Présentation d’une expérimentation de numérique responsable dans le monde rural

Le site Lalouvesc.fr a été réalisé en partenariat avec Plateaux numériques, un service de création de sites web durables et accessibles pour les villages d’aujourd’hui et de demain. Lalouvesc et Comly reviendront sur leur travail de compréhension des usages, l’analyse de la fréquentation du site et les chantiers sur l’information locale. Pour sa part, l’équipe de Plateaux numériques reviendra sur son expérience à Rocamadour.

Merci aux organisateurs du NEC Lalouvesc pour le partage de ces ressources. Retrouvez l'ensemble des prises de notes et des interventions de la journée !

Pour en découvrir davantage sur les NEC locaux et sur leurs modalités d'organisation rendez-vous sur la page web dédiée !

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