Les communs numeriques
Vous l’avez déjà probablement croisé, lu ou entendu : le terme de commun est de plus en plus largement employé, notamment dans le domaine de la médiation numérique. Mais de quoi s’agit-il ?
289 VuesVues·3 EnregistrementsEnregistrements·2 avisVous l’avez déjà probablement croisé, lu ou entendu : le terme de commun est de plus en plus largement employé, notamment dans le domaine de la médiation numérique. Mais de quoi s’agit-il ?
La définition de Wikipédia est assez éclairante :
Les *communs** sont des ressources partagées, gérées et maintenues collectivement par une communauté ; celle-ci établit des règles dans le but de préserver et pérenniser ces ressources tout en fournissant aux membres de cette communauté la possibilité et le droit de les utiliser, voire, si la communauté le décide, en octroyant ce droit à tous. Ces ressources peuvent être naturelles (une forêt, une rivière), matérielles (une machine-outil, une maison, une centrale électrique) ou immatérielles (une connaissance, un logiciel).*<br>Source Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Communs
Que sont-ils, qui sont leurs réseaux ?
Le site Labo Société Numérique donne une définition un peu plus complète de ce qu’est un commun numérique.
Définition : un commun désigne une ressource produite et/ou entretenue collectivement par une communauté d’acteurs hétérogènes, et gouvernée par des règles qui lui assurent son caractère collectif et partagé. Il est dit numérique lorsque la ressource est dématérialisée : logiciel, base de données, contenu numérique (texte, image, vidéo et/ou son), etc.
Les communs numériques ont des caractéristiques nouvelles :
- L’usage de la ressource par les uns ne limite pas les possibilités d’usage par les autres (la ressource est non rivale),
- Sa préservation ne passe pas par la réservation du droit d'usage à une communauté restreinte (la ressource est non-exclusive).
Ainsi, les communs numériques gagnent à être partagés, car ce partage augmente directement la valeur d'usage de la ressource et permet par ailleurs d’étendre la communauté qui la préservera. Le numérique est donc à l’origine du développement de communs d’un nouveau genre par différenciation avec les communs naturels ou matériels, ouverts et partagés, accroissant d’autant plus leur potentiel.
Les exemples de communs numériques les plus évidents, car utilisés au quotidien, sont probablement le système d’exploitation Linux, le navigateur web Firefox et l’encyclopédie en ligne Wikipédia. De plus en plus de bases de données collaboratives émergent aussi comme communs numériques, : tels OpenStreetMap (https://www.openstreetmap.fr/) en matière de données géographiques, Open Food Facts (https://fr.openfoodfacts.org/) pour les produits alimentaires ou encore TelaBotanica (https://www.tela-botanica.org/), véritable encyclopédie botanique collaborative.
Source Labo Société Numérique : https://labo.societenumerique.gouv.fr/fr/articles/les-communs-num%C3%A9riques-un-mod%C3%A8le-innovant-de-d%C3%A9veloppement-des-ressources-num%C3%A9riques/
Un excellent résumé a été produit à l’occasion de Numérique En Commun[s] (NEC), qui est elle-même une forme de commun numérique
(https://numerique-en-communs.fr/wp-content/uploads/2020/12/synthese-communs.pdf)
Sinon il y aussi cette vidéo de Data Gueule qui vous explique tout ça :
https://videos.lescommuns.org/w/g8Yrmsk3NJw462278Emwhi
L’histoire d’une idée
L’idée de biens communs n’est pas nouvelle, on peut même retrouver celle-ci dès l’Antiquité romaine dans le Code de Justinien daté du VIème siècle.
Dans ce code du droit romain existait la distinction entre les biens privés (Res Privatae), les biens publics (Res Publicae), les choses n’appartenant à personne (Res Nullius) et les “choses communes” (Res Communis), qui étaient notamment les rivières, les côtes, etc. Ce sera ensuite du Moyen Âge, jusqu’à l’Ancien Régime qu’on parlera de “biens communaux” tels que forêts, landes, marais, pâturages, alpages.
Appartenant à tout le monde, ces communs permettaient aux plus démunis d’assurer leur subsistance et peuvent être considérés comme une forme primitive de protection sociale. Leur existence a perduré en Angleterre avec les “commons” jusqu’au début du XIXe siècle, période à partir de laquelle ces terres furent petit à petit “enfermées” par les propriétaires terriens. En France cette notion de terres communes a subsisté plus longtemps est s’est progressivement dissoute dans la notion de propriétés publiques.
Cette dissolution des biens communs a inspiré l’article de l’américain Garret Hardin qui en 1968 publie “La Tragédie des Communs” dans la revue Science, article qui veut démontrer que les sociétés humaines sont incapables de préserver des ressources naturelles, du moment que celles-ci sont mises en partage.
Si le concept de communs n’est pas nouveau, c’est en 1990 dans La Gouvernance des biens communs : pour une nouvelle approche des ressources naturelles d’Elinor Ostrom (économiste, politologue et prix Nobel d’économie américaine) que cette idée connaît un regain d’intérêt et une nouvelle perception. Dans cet ouvrage, la chercheuse étudie la gestion de ressources naturelles par des groupes qui utilisent des formes de propriété collective nommées ”biens communs”. L’histoire et le monde contemporain étant beaucoup perçus au travers de la privatisation ou de la gestion par l'État, cette analyse démontre qu’ont existé des régimes de propriété collective pérennes.
L’intérêt des communs numériques
Horizontalité
Là où l’action des États, voire des collectivités est généralement très verticale (c’est-à-dire qu’elle s’impose d’un décideur aux citoyens), les communs sont au contraire horizontaux et basés sur la participation volontaire de celles et ceux qui vont l’enrichir. Dans le même esprit que les logiciels open source, cela peut apporter une plus grande pérennité au projet, en même temps qu’une plus grande sécurité s’agissant d’un logiciel par exemple. L’Open et les communs sont deux faces d’une même volonté de participation et de partage libre en dehors du contrôle, qu’il soit public ou privé. Il y a un fonctionnement vertueux de la participation qui enrichit la ressource : plus celle-ci est de qualité par l’action de tous, plus celle-ci est attractive et donc attire plus de participants.
Cette horizontalité se double d’une vigilance concernant à la fois les participations et la gouvernance de la ressource.
L’opposition aux stratégies des Gafam ou des États
Si l’internet “des origines” était perçu comme un commun par celles et ceux qui l’ont pensé et conçu, il est devenu de plus en plus privatisé, notamment par les GAFAM qui ont à la fois capté les usages et imposé un enfermement, notamment dans le cadre des réseaux sociaux. Ne plus quitter le réseau social en mobilisant en permanence l’attention, est l’économie qui est à la base des plateformes. En proposant des alternatives (Openstreetmap par rapport à Google Maps par exemple), les communs luttent contre la captation des données personnelles par ces entreprises.
Mais elles ne sont pas les seules à vouloir enfermer les internautes : certains gouvernements, en imposant un contrôle strict de ce qui peut exister sur le réseau national, enferment eux aussi leurs citoyens. Ce sont ces mêmes gouvernements qui vont interdire les communs numériques comme Wikipédia ou bien vouloir en contrôler les contenus.
Les communs, au-delà de ce partage, de cette ouverture et de cette exigence ont donc aussi un rôle politique, ils permettent une réappropriation de ses données, un meilleur contrôle de ses usages.
Une reconnaissance des communs
Si nous utilisons parfois des communs sans savoir qu’ils en sont, ceux-ci sont de plus en plus reconnus par les acteurs publics, l’État ou l’Europe.
L’Union européenne a les 21 et 22 juin 2022, à l’occasion d’une réunion à Toulouse de son Assemblée numérique, étudié :
“Les possibilités de financement, de la création d’un incubateur européen pour les communs numériques, ainsi que des moyens ou d’une structure permettant de fournir des orientations et une assistance aux États membres. Le groupe propose notamment de créer un guichet unique européen pour orienter les communautés vers les financements et aides publiques disponibles et de lancer un appel à projets pour “déployer rapidement une aide financière aux communs les plus stratégiques”.
Ce financement a notamment pour finalité de protéger la souveraineté de ces communs, à la fois des ingérences politiques mais aussi juridiques (extraterritorialité du droit américain).
Au-delà, c’est la volonté de l’État et des collectivités françaises d’utiliser de façon croissante les logiciels libres afin de ne pas dépendre de solutions privées/étrangères, qui marque un intérêt de plus en plus visible pour les communs numériques.
Pour approfondir le sujet : Mission Société Numérique
https://communs.societenumerique.gouv.fr/
Les communs numériques
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https://service-numerique-metropole.notion.site/Les-communs-num-riques-6b3f7de5fb6f4d928ffaae893fef811c?pvs=4
La ressourcerie du Grand Lyon (sur un service appelé Notion), sur lequel se trouve aussi cet article